• Mer

     

      

     

    Ce n’est pas par hasard que les émotions ressemblent à la matière.

    Et presque insupportable de se tenir en face, à la jumelle, dans le déferlement de la vague. Cette course qui submerge la vision dans une intraitable marée montante, joufflue, écumeuse, dévorante de roches (au Cabestan).

    Les plagistes replient. C’est novembre sur l’ouest et pourtant bleu derrière. Les crêtes, des horizons d’argent. Le raz de Sein infime au fil d’acier flottant.

    Cartes postales, photographies verbales.

    Les émotions imitent la dynamique des fluides c’est pourquoi le poète est toujours tenté d’eau, d’amphores emphatiques aux métaphores marines.

    La métaphore n’est jamais qu’un mode de duplication du vivant. 

    Méditer est lacustre.

    Les émotions sont vagues,

    Les raisonnements sont flagellaires.

    Eau qui donne à la perle son orient et son lustre.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Estives de l’estran

    Archives des marées où repaissent des monstres

    d’essences halophiles et longue arborescence.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Au recyclage des rebus secs

    miettes de crabes creux

    en lisière d’estran

    l’algue noircie et la meringue de seiche

    la crevette géante des plastiques sans tête

    le pas du goémon

    l’obsidienne des goudrons drapée d’ancien velours

    intact

    si le sel tient au vent

    le filet tient au vert

    en fait presque aucun insecte

    mais l’avant-garde des lavatères 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ecumante conquête des rochers: tous ces petits pays tranquilles ravagés d’escadres bombardantes, survoltées, cataclysmiques. Rafles sur les mogottes moussues.

    Sous un soleil inca, torrents crevant les lacs tranquilles, huttes berniques, patelles au levant sable passées au lance-neige carbonique tirée des profondeurs alcooliques de son bleu.

    Puisse-t-on, sous l'assaut de longues lames fouissantes à l’aisselle du rocher, tenir un monde par dessous !

    Inonder, inonder, maître mot de marée.

    Cyclique blitzkrieg, putsch bègue à la bouche de la grande liquide dont seules quelques peuplades frontalières s’accommodent – réduite prise au flux, maîtrise du tirant d’eau – cette fausse peau lisse au cuir rétractile, peu furtif reptile, lézard à mains marâtres…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Marée

    Sourire des lunes

    Monde déversé en vertu des occurrences et des cycles

    J'en reviens où ta fraîcheur miroite.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Là où la rive convulse

    Sa ligne vire au vert

    L’assaut des écritures à la suite du grand saur

    L’écume de son sceau sapide.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Faïences du ressac

    fluages métamorphiques

    luisances de peau claire

    tonsures

    zostères 

    Des cartes dont on tirait les routes à la mule

    à la vache

    Falaise provisoire rivage qui se poldère

    s’ensème de fourrage

    doux son du blé amère

    saxifrage

    d’armure de chardons et d’arméries des dunes

    Est-ce la terre qui avance

    Est-ce que la mer recule ?

     

     

      

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La montée de la crithme à la chaussée pierreuse

    Qu’elle est lente pour la marée

    Et fulgurante pour le lichen

    L’osmose orange

    Le zeste rond à la marge crayeuse

    Un flegme de patelle sous l’haleine de sel.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La pousse crucifère fait le pourpier de mer

    et marque la limite à la criste marine

    là bas un seuil d’ancienne vague

    peigné de jonc

    lichen allume ton œil jaune

    l’algue - l’œillet amer

    le sel de l’armérie

    le vent

    l’écume œcuménique en brassent les espèces.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La perce-pierre brise jusqu’au granit :

    Aussi pauvre soit son substrat (une maigreur de poussière)

    elle croît en criste et se creuse par la résine

    son sel salpêtre dissous en vernis de foliole

    La perce-pierre - celle qui compresse, fistule et ligature en lierre

    dès l’arborescence des racines,  elle survit à l’écume.

    Vipère perspicace elle troue le mur et tire du mou du minéral

    -  sa laitance - son festin lithophage.

    Prédateur botanique en frontière de systèmes, on la dit : Mercenaire de flore.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vague crête contre jour des rumeurs

    vent de terre

    toute horde de guerre dans la chute du décor

    mais l’épine crépitant de lumière

    sueur de sable

    dentures de sel

    seules armes dressées

    à l’aisselle de mille bras

    et l’infanterie de son ressac

     (la baie à la jumelle)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le temps se couvre juste à la fin de la montée des eaux. La grosse bulle d’eau étire sa masse à la rencontre du continent, le drap tissé de ses vapeurs. Là bas pressé en barre de cumulus, on fera plumes et volutes, ailes, couettes, perruques, et la colonne de vos orages.

    Ciel de traîne : îles,  dentelles d’air.  Sa terre à elle, la mer.

     

     

     

     

     

      

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Nommer les choses c’est toujours en germe l’économie de les percevoir. Ici la mer plutôt que cette innombrable digression de facettes, cette chaotique de turquoises.

    La jumelle en détache une pastille de jour. Abstract.

    Ce qui se meut de bleu et d’éclat.

    Nommer saisir s’approprier détruire. Destin très orthodoxe dans le rite d’écrire. De ce mensonge que naît-il ? Parfois le don d’un verbe traversant le deuil du tout-ailleurs, dans l’amaurose du reflet.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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